les vitraux de saint-acceul
Les vitraux constituent une incomparable galerie de portraits de donateurs : dans les verrières de l’abside, on peut voir Anne de Montmorency et ses fils, son épouse Madeleine de Savoie et ses filles.
Ces vitraux constituent une plongée au coeur de la spiritualité du XVIe siècle.
• Ces vitraux ont traversé les siècles presque intacts : ils ont été préservés de toutes les guerres. Toutefois, quand il n’y avait plus de peintres sur verre au XVIIIe siècle, l’entretien a dû être effectué par de simples vitriers, qui ont dû se contenter de remplacer des verres cassés par des bouche-trous, ou autrement dit, des fragments de vitraux récupérés ailleurs.
Lors de la Révolution française, une grande partie du mobilier du château d’Écouen a été emporté, mais les vitraux de l’église ont heureusement échappé aux destructions. Ils ont été classés monuments historiques en même temps que l’église.
• En plus des verrières Renaissance, celles de la nef, du bas-côté et de la base du clocher méritent également l’attention.
• Ces huit verrières de 1709 / 1710 sont constituées essentiellement de verre blanc, mais possèdent des bordures peintes à l’émail et au jaune d’argent.
Les motifs sont des compositions florales très délicates, les monogrammes de Jésus et de Marie, et les armoiries des Condé et des Bavière, rappelant les donateurs.
Ces œuvres discrètes forment quand même l’un des plus beaux ensembles de verrières du XVIIIe siècle qui subsiste en France, car il ne reste que très peu de peintres verrières en France à l’époque, et l’on ne fabrique déjà plus de verre de couleur en France. La peinture à l’émail cesse elle aussi d’être pratiquée vers 1760 environ.
L’auteur pourrait être Jean François Dor ou Benoît Michu.
Un patrimoine exceptionnel, hérité de la Renaissance
Vitraux du chevet :
• Au centre : vitrail n° 0 dit de la Résurrection, panneaux inférieurs remontés dans le vitrail no 11 vers 1709
• A gauche : vitrail n° 1 dit d’Anne de Montmorency (1545)
• A droite : vitrail n° 2 dit de Madeleine de Savoie (1545)
Vitraux de l’élévation méridionale du chœur, depuis l’est :
• Vitrail n° 4 dit du cardinal de Châtillon (1545)
• Vitrail n° 6 dit d’Henri de Montmorency (1587)
• Vitrail n° 8 dit d’Antoinette de Lamark (1587)
Vitraux du collatéral :
• Au chevet : vitrail n° 3 dit de la Nativité du Christ et de l’Adoration des Mages (1544)
• Vitrail n° 5 dit de l’Annonciation et de la Visitation de Marie (1544)
• Vitrail n° 7 dit de la Dormition et de l’Assomption
Vitraux de la base du clocher :
• Au nord-est : vitrail n° 11 dont les panneaux inférieurs proviennent du vitrail de la Résurrection
• Les deux autres baies ne comportent pas de vitraux polychromes.
Vitraux du chevet et de la base du clocher
Vitrail N° 0 - la Résurrection
• On peut détecter des inspirations puisées dans la série de xylographies d’Albrecht Dürer connue comme la Petite Passion, et dans des dessins de Raphaël gravés par Sebastiano del Piombo, œuvres ayant connu une diffusion relativement large à l’époque.
Vitrail N° 1 - Anne de Montmorency et ses fils
• Au registre inférieur, on voit le connétable Anne de Montmorency et ses cinq fils, agenouillé en direction de l’autel.
• Ses descendants mâles : François, Henri, Charles, Gabriel et Guillaume se tiennent derrière lui.
• François, l’ainé des garçons qui sera son successeur, comme son père sera un fervent défenseur de la foi catholique.
Sur leurs vêtements sont brodées les armoiries des Montmorency «d’or à la croix de gueule cantonnée de 16 alérions d’azur». Ils sont présentés par leur saint patron : l’empereur Saint-Henri pour le Connétable. Pour les enfants, c’est Saint-Etienne qui tient, dans sa main gauche, les pierres de sa lapidation.
• Les portraits des fils, encore jeunes en 1544, constituent un chef-d’oeuvre de travail en grisaille et en sanguine.
En revanche, dans son portrait réalisé à l’émail, Anne de Montmorency y apparaît âgé – ce panneau ayant été refait après 1567, après la mort du connétable.
On prit pour modèle le portrait réalisé en 1562 pour un vitrail de l’église du Mesnil-Aubry.
Henri de Montmorency fit alors représenter son père non plus par sainte Anne, mais par saint Henri.
• Aux registres médian et supérieurs, deux scènes tirées des Evangiles : le Christ aux outrages et la Flagellation, réalisés en couleurs froides, sont inspirés de la Petite passion de Dürer, alors que la Résurrection est plus proche de celle de Raphaël.
• Le tympan (partie haute) est occupé par les alérions des Montmorency en verre bleu gravé sur du verre blanc.
Les alérions sont des aigles sans pattes ni bec. Chaque alérion serait, dit-on, une distinction royale qui récompense une victoire sur le champ de bataille (une interprétation tardive mais non un fait historique établi).
Vitrail N° 2 - Madeleine de Savoie
• Le soubassement de la fenêtre arbore toujours les armoiries des donateurs, ayant échappé à la fureur révolutionnaire car cachées sous des couches de badigeons.
Vitraux de l'élévation méridionale du chœur
Vitrail N° 4 - Odet de Châtillon
• Le donateur était évêque comte de Beauvais, archevêque de Toulouse et cardinal à 19 ans.
• Dès les années 1540, il tend vers la foi réformée. Le vitrail est un instantané de cette évolution.
• Au moment qu’il donne le vitrail en 1545, il est évêque de Beauvais depuis dix ans et commence à assimiler les idées du Calvinisme, avant de se convertir ouvertement en 1560.
• Coligny rejette déjà l’idée de saints intercédant devant Dieu en faveur des fidèles qui leur adressent des prières, et le vitrail ne comporte ainsi aucune représentation de saint.
Il illustre les sujets du péché originel et de la recherche de la brebis égarée.
• Au sommet de la verrière, est représenté le Péché originel, fondamental pour la question de la Grâce et du Salut.
• Au registre médian, la remise du bâton pastoral à saint Pierre est caractérisée par l’omission des clefs, symbole du rôle de l’Église dans le pardon des péchés.
• Après 1560, Odet de Châtillon quitte l’état ecclésiastique et s’engage militairement dans le camp protestant.
• Malgré cela, son portrait fut laissé en place dans l’église, montrant que la solidarité dynastique l’emportait sur la fracture religieuse.
Vitrail N° 6 - Henri de Montmorency
La lancette d’origine montrait son fils Hercule agenouillé derrière lui, unique garçon a cette date a été changée et remplacée par un panneau provenant de l’Adoration des mages, vitrail situé dans la chapelle de la Vierge, à gauche de l’autel.
• Au-dessus d’Henri 1er, Saint-Adrien. Son saint-patron devait être Saint-Henri qu’il a placé au dessus de son père lors du remplacement d’une partie de son vitrail en 1587.
• Devant lui, la Pieta, représentant la vierge Marie en Mater dolorosa, mère pleurant son fils, tenant sur ses genoux le corps du Christ descendu de la croix après la crucifixion et avant la mise au tombeau.
• Henri I de Montmorency, duc de Montmorency, est né le 15 juin 1534 à Chantilly et meurt le 2 avril 1614 a Pézenas.
• Il est le deuxième fils des cinq enfant mâles du Connétable Anne de Montmorency et de Madeleine de Savoie.
• En 1558, au château d’Ecouen, il épouse Antoinette de La Marck avec qui il a quatre enfants : Charlotte (1571), Hercule (1572) mort à 21 ans, Marguerite (1577), Henri (1581) mort à 3 ans.
• En 1563, Henri I est nommé gouverneur du Languedoc. Il combat, comme son père, dans le camp des catholiques durant les guerres de religion. En 1567, il est nommé Maréchal de France.
• Au début des guerres de religion, il est très proche du duc de Guise, chef catholique.
Il entre en conflit a plusieurs reprises a ce sujet avec son frère aîné François de Montmorency qui a choisi le parti des modérés. Appelé a devenir son héritier, il se réconcilie avec lui.
• Comme gouverneur du Languedoc, il choisit de ne pas s’en prendre aux réformés locaux.
• Apres le massacre de la Saint-Barthélemy en 1572 par les ultra-catholiques, favorable au nepolitique de modération pour les protestants, il choisit, avec ses frères, de les rejoindre.
• Apres l’arrestation de François de Montmorency le 5 mai 1574, il fait également alliance avec les protestants du Languedoc.
• À la mort de son frère François a Ecouen en 1579, il devient duc de Montmorency, seigneur de Chantilly et d’Écouen.
• Se méfiant du roi, il reste éloigné de la cour de France et continue de résider en Languedoc. Il combat ainsi avec le protestant Henri de Navarre. Devenu roi, sous le nom d ’Henri IV, celui ci le nomme Connétable de France en 1593.
• En 1591, après la mort de son épouse Antoinette de La Marck, ses enfants mâles étant décédés, il se marie avec Louise de Budos, âgée de dix-huit ans, dans l’espoir d’avoir un garçon pour lui succéder.
• Ils ont deux enfants : Charlotte-Marguerite (1594-1650) et Henri II (1595-1632).
• Henri 1 meurt le 2 avril 1614 à Pézenas.
• Son fils, Henri II de Montmorency, lui succède jusqu’en 1632.
• Sa mort, par décapitation a Toulouse, sur les ordres de Louis XIII, met fin à la célèbre lignée des Montmorency.
Vitrail N° 8 - Antoinette de Lamarck
• Ce vitrail représente les donateurs agenouillés devant des scènes de dévotion : une Pietà et une Vierge des Sept Douleurs.
Elle est vetue d’une cape bleue et transpercee par 7 glaives. Ces glaives symbolisent les sept douleurs ressenties par Marie lors de la crucifixion de son fils Jésus-Christ.
• Derrière elle, se trouvent ses deux filles, Charlotte et Marguerite.
Au-dessus d’Antoinette de La Marck, sa sainte patronne et au-dessus des filles, Sainte-Marguerite.
• Le registre de soubassement de 1587 presente, à droite, les armoiries mi-parties d’Henri 1 et d’Antoinette de La Marck.
• A gauche, il est curieux de trouver un soubassement de 1545 portant les armoiries mi-parties des Montmorency et de Madeleine de Savoie (soubassement provenant de la baie d’axe lors de la pose du grand retable en 1709 par les Condé, propriétaires du chateau). Les armoiries d’Henri 1 et d’Antoinette de La Marck transperçant son corps.
A cette epoque, le goût de la lumière dans les églises fait que la vitrerie en couleur n’occupe que la partie basse des baies.
Seuls les donateurs beneficient des plus beaux verres de couleur.
• Toute la partie supérieure de ces vitraux est constituée simplement de verre blanc au milieu d’un cadre décoratif.
• Vers la fin du XVIe siècle, le souci d’optimiser l’éclairage des églises l’emporte sur la décoration artistique, et l’art de la vitrerie régresse successivement.
• Antoinette de La Marck est née le 25 mars 1542. Elle est la fille de Robert IV de La Marck, duc de Bouillon et de Françoise de Breze, comtesse de Maulevrier.
Elle est egalement la petite-fille de Diane de Poitiers. Antoinette est la femme d’Henri 1de Montmorency, duc de Damville, seigneur d’Ecouen et fils d’Anne de Montmorency.
Le mariage a lieu au chateau d’Ecouen et le couple a quatre enfants : Hercule, Henri, Charlotte et Marguerite.
Antoinette de La Marck meurt en 1591 à l’âge de 49 ans a Pezenas.
Vitraux du collatéral
Vitrail N° 3 - Nativité du Christ et de l’Adoration des Mages
• Les trois vitraux (N° 3,5,7) du collatéral proviennent vraisemblablement du même atelier que ceux du chevet et ont été livrés également en 1544/45, mais font preuve d’une approche artistique novateur.
• Le réalisme des représentations gagne avec des effets de profondeur et de perspective particulièrement habiles, les mises en scène sont plus vivantes et les paysages d’arrière-plan plus soignés.
• Ces trois vitraux sont généralement considérés comme les plus réussis de toute l’église.
Vitrail N° 5 - l'Annonciation et la Visitation
Daté de 1544, il se trouve dans le collatéral, qui sert de chapelle de la Vierge.
• Emblématique de l’art du vitrail à la Renaissance, il a été commandé par un familier des Montmorency, de la famille de Blémur.
Organisé en deux registres portant chacun une des deux scènes, le vitrail est composé pour l’essentiel de verre blanc peint à la grisaille, les pièces de couleur, de grande qualité, étant réservées aux personnages et à quelques éléments majeurs, comme le vase contenant les lys ou le lit à baldaquin.
La perspective et l’Antiquité triomphent, références nouvelles auxquelles s’adapte l’art du vitrail :
• Dans l’Annonciation, les lignes délimitent une pièce cubique, ouverte vers l’extérieur par une fenêtre, donnant l’illusion que le regardeur contemple la scène depuis celle qui lui fait face.
• Dans la Visitation, une perspective fuyante de colonnes représente le Temple où est assis Zacharie. La recherche du naturel triomphe dans la représentation de Marie et de sa suivante.
• Il s’agit d’une reprise de carton d’un des vitraux de la galerie de Psyché, réalisée pour le château d’Écouen et aujourd’hui conservé à Chantilly, montrant qu’un même atelier, parmi les plus brillants du royaume, réalisa les deux oeuvres, passant aisément du répertoire profane au répertoire sacré.
• Dans les arrière-plans de la Visitation, des paysages aux architectures fantastiques sont peints à la grisaille et au jaune d’argent sur du verre bleu, paysages virgiliens qui, depuis Raphaël, constituent l’horizon naturaliste des oeuvres de la Renaissance.
Vitrail N° 7 - Dormition et de l’Assomption
Par différence avec les verrières du chevet donnés par le connétable et sa femme, celles du collatéral ont été offertes par des vassaux ou des familiers d’Anne de Montmorency, qui n’ont pas laissé leurs effigies sur les vitraux.
• Le registre inférieur est ainsi occupé par Dieu le Père et des chœurs angéliques.
• Les trois vitraux (N° 3,5,7) du collatéral proviennent vraisemblablement du même atelier que ceux du chevet et ont été livrés également en 1544/45, mais font preuve d’une approche artistique novatrice.
• Le réalisme des représentations gagne avec des effets de profondeur et de perspective particulièrement habiles, les mises en scène sont plus vivantes et les paysages d’arrière-plan plus soignés.
• Ces trois vitraux sont généralement considérés comme les plus réussis de toute l’église.
Vitraux de la base du clocher
Vitrail N° 11 - Saint-Acceul
• Il représente les saints Acceul et Accius, patrons de l’église, la Femme de l’Apocalypse et la Rencontre à la Porte Dorée.
Quelques anecdotes...
Les 3 miracles de St Acceul
Cependant, si nos vitraux sont aujourd’hui visibles dans l’état où ils étaient à l’origine, il y est peut-être un peu pour quelque chose.
Constatons.
• Durant la Révolution française, alors que l’on casse beaucoup de vitraux dans la région (à la collégiale de Montmorency par exemple), les nôtres échappent aux destructions.
Grâce à qui ?
Grâce à une actrice, Adeline, qui avait une belle propriété à Ecouen, et qui fut inspirée sans doute par notre saint : elle paya un peintre qui recouvrit tous les panneaux au lait de chaux, cachant ainsi les aristocrates et les sujets religieux !
• En 1914, le général Galliéni assurant la défense de Paris au fort d’Ecouen et les uhlans n’étant plus qu’à trois kilomètres du village, les habitants démontèrent les vitraux, et les mirent en caisse pour les mettre à l’abri.
Ils les remontèrent après la guerre.
• En 1940, retour des allemands à Ecouen : les vitraux furent à nouveau démontés.
C’est ainsi que nous possédons aujourd’hui dans notre petite église la plus belle vitrerie Renaissance d’époque d’Île-de-France.
N’est-ce pas un peu miraculeux ?